Depuis septembre j’ai pu m’initier à l’enseignement dans le supérieur pour des étudiants en Master 2 et Master 1 à l’école Polytech Lyon. Je vous propose ici un petit REX de mon expérence en tant que professeur, me permettant par la même occasion de vous partager les méthodes d’enseignement que j’ai pu tester avec mes 80 étudiants.
Enseignants / Étudiants, des objectifs qui diffèrent
Je vois aujourd’hui deux soucis dans l’enseignement supérieur (mais cela reste valable à plusieurs niveaux)
Les étudiants dans la majorité visent la moyenne et le passage de leur année. Ils devraient plutôt essayer de comprendre ce qu’ils font et pourquoi ils le font.
Les étudiants se focalisent trop sur la note et pas assez sur les connaissances et compétences qu’ils peuvent acquérir. La note devrait refleter les compétences de l’étudiant, au final, on s’en sert juste pour discerner les étudiants qui travaillent et ceux qui ne font rien. La note ne reflète plus vraiment ce que l’étudiant maîtrise, mais plutôt son “classement” dans le groupe d’élève auquel il appartient.
On teste la compréhension des étudiants quand il est trop tard.
Malgré du controle continu, on a construit les cours dans le supérieur pour ne pas revenir sur ce qui a déjà été présenté. Si un élève n’a pas compris, ce n’est pas grave, on continue. Lors de l’évaluation, plusieurs semaines plus tard, l’étudiant se plante et c’est de sa faute. Je pense qu’il est tout à fait normal qu’un étudiant, pour une raison X ou Y, loupe un passage du cours et ne le comprenne pas. Malheureusement, mis à part le redoublement, dans le supérieur, il n’y a pas vraiment de solution.
Face à ces deux problématiques, j’ai essayé de mettre en place plusieurs outils pédagogiques. Je vais d’abord vous les présenter, vous faire un retour sur leur efficacité.
Tester la compréhension à chaque cours
Afin de voir rapidement si un élève décroche, rien de tel qu’un petit quizz à chaque fin de cours pour tester ce qui a été retenu par l’étudiant. En général, je donne un petit quizz de 10 questions, qui se concentrent sur les points les plus importants du cours. Ce sont des questions à choix multiple, mais j’y adjoins au moins 2–3 questions ouvertes. Je les corrige le jour même, cela me permet de leur faire un retour rapidement et voir avec eux au cours suivant ce qu’il faudra revoir ensemble.
Les quizz sont un super outil pour analyser votre TD, ce qui a été compris ou non. Mais ils permettent également de contraindre les étudiants à écouter/ participer. En effet, s’ils ne suivent pas pendant le cours, ils vont difficilement pouvoir répondre.
Petites astuces que j’utilise pour mes quizz:
- Les étudiants ont accès à Internet, leurs notes pendant le cours, les slides etc.
- 1 min 30 par question
- Les étudiants ne peuvent pas communiquer entre eux, si j’ai le moindre doute au prochain quizz ils auront moitié moins de temps que les autres.
En limitant le temps, cela permet de ne pas trop simplifier le test sachant qu’ils ont accès à tout. Si l’étudiant a bien suivi, il pourra même terminer avec de l’avance. S’il ne sait pas répondre directement à une question, il pourra fouiller ses notes ou chercher sur internet pour trouver la réponse.
La remédiation
Derrière cette appelation barbare se cache un méthodologie révolutionnaire dans l’enseignement. Je l’ai décourverte au lycée, en terminale avec un enseignant en mathématiques. On pourra comparer cette révolution à l’arrivée de l’agilité dans l’informatique. La comparaison entre agilité et remédiation ne s’arrête pas juste à l’impact qu’elles ont. En résumant beaucoup la remédiation, on peut dire que l’objectif est d’itérer avec l’étudiant, afin qu’à chaque fois il fournisse un meilleur travail, qu’il comprenne plus de choses.
Comment ça marche dans les faits ?
Il faut simplement considérer qu’une note n’est pas figée, un étudiant doit normalement fournir un meilleur travail, doit mieux comprendre s’il passe à nouveau un examen et qu’on lui explique ses erreurs à la précédente itération.
Je l’applique au rendu des TPs d’informatique avec mes étudiants. Ils me rendent une première version (comme si c’était la dernière), je la corrige et leur faire plein de retours. Je leur décris tout ce que je juge faux, ou qui pourrait être précisé/amélioré. Je donne une nouvelle deadline aux étudiants, ils peuvent corriger leurs erreurs, je recorrige leur TP (je me concentre sur ce qu’ils devaient corriger, donc cela me prend peu de temps). On itère autant de fois que l’étudiant le souhaite, il voit donc sa note augmenter, il voit grâce aux retours quels sont les points sur lesquels il doit travailler.
Niveau résultats, avec les étudiants c’est très efficace, la première itération est souvent moyenne, mais dès la deuxième on obtient des resultats très correct. Je passais de 2,3/5 de moyenne au TP à 4,1/5.
La remédiation peut se réaliser de plusieurs manières mais elle a toujours les mêmes conséquences :
- La responsabilisation de l’étudiant (un étudiant qui travaille aura des résultats)
- L’étudiant travaille plus (un petit effort lui permet d’augmenter sa note, de comprendre plus)
- L’étudiant peut se tromper.
Pour réussir à coup sûr votre passage à la remédiation :
- Outillez-vous, j’en ai déjà parlé dans un autre article.
- Responsabilisez vos étudiants jusqu’au bout en leur demandant de choisir leur dealine pour leur itération. (les étudiants ont plein de travaux à rendre, leur permettre de souffler quand ils sont chargés sera grandement apprécié).
- La première fois que vous le mettez en place avec un groupe d’étudiants, vous ne devez pas leur dire qu’ ils seront notés deux fois. Ils vont fournir une première itération de bonne qualité et vont comprendre par l’exemple l’intérêt de cette méthode. Ainsi, pour le deuxième TP, ils joueront naturellement le jeu.
- Rappelez vous qu’il faut à tout prix éviter de laisser les étudiants vous rendre un travail non terminé en fin de première itération. N’hésitez pas à ne pas corriger le travail d’un élève si il vous fournit un travail non terminé ou baclé.
Conseils pour futurs professeurs
Si vous aussi, vous avez l’envie de partager vos compétences, votre passion avec des étudiants, je ne peux que vous inciter à tenter l’aventure. N’hésitez pas à contacter vos anciennes écoles, ou bien les écoles proches de chez vous et voir avec eux s’ils recherchent des interventions. Je suis presque sûr que si vous proposez un sujet qui vous passione, ils trouveront un créneau pour que vous puissiez faire un atelier avec les étudiants.
Commencez petit avec des interventions de 4h ou 8h maximum. Des interventions plus longues seront pour vous un vrai calvaire à préparer. Entre les slides, les exercices, les TP, les corrections, cela vous prendra pas mal de temps. Ce temps sera bien plus maitrisable sur des petits ateliers.
Discutez de votre atelier avec des personnes dans le même domaine d’activité , ils sauront vous dire si votre présentation/atelier est objectivement intéressant et complèt.
Demandez un retour à vos étudiants grâce à un sondage anonyme L’étudiant vous fera des retours sur vos méthodes pédagogiques. mais également sur le contenu de votre cours.
Amusez vous Si pour vous le sujet que vous avez à présenter à vos étudiants ne vous plait pas ou ne vous intéresse pas, vous ne risquez pas de les intéresser.
Partager vos cours Quelqu’un a peut-être eu la même idée d’atelier, ce serait vraiment dommage que vous ne partagiez pas vos exéperiences. Dans le domaine de l’informatique, la plafeforme Github Classroom community possède un forum très actif pour les enseignants en informatique.
Prochain objectif, automatiser la notation
Pour l’année prochaine, je souhaite complètement automatiser la notation des tests et des TPs que je donne aux étudiants. J’y vois plusieurs intérêts : premièrement c’est un sacré challenge, deuxièmement je pense y gagner pas mal de temps. En effet, après une période de préparation qui peut paraître importante, je vais pouvoir noter mes 80 étudiants en quelques minutes et ainsi leur donner un feedback encore plus rapide.
Dernier point et sûrement le plus intéressant pour moi, avec une notation automatique, je pense rendre la note plus objective. Comme pour la correction anonyme, la correction automatisée ne se fie qu’à ce que l’étudiant a réalisé. Ce n’est pas tout, la correction automatisée, dans l’idée que je m’en fais, permet de s’éviter de comparer les travaux et établir un pseudo classement des étudiants.
Je vois deux façons de le faire :
- Des tests fonctionnels sur les réalisations des étudiants.
- Utiliser un outil pour noter automatiquement les étudiants à partir de Quizz. Je vous renvoie directement à l’article d’Adrien Joly qui traite de ce sujet. Je pense réellement utiliser son outil avec mes étudiants à la rentrée.
Merci à vous d’être allé jusque là, je vous offre donc un cookie 🍪. N’hésitez pas à me partager vos expériences en tant que professeurs, mais également vos questions et remarques en commentaire de cet article.
Je me permets ici de remercier cette école, dont je suis sorti diplômé l’année dernière et qui me renouvelle sa confiance pour que j’enseigne l’année prochaine.
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